Accueillir l’étranger : Affirmations des chefs religieux


ACCUEILLIR L’ETRANGER : AFFIRMATIONS DES CHEFS RELIGIEUX

Accueillir l’étranger n’est pas seulement un thème du 400è anniversaire de la Vocation Vincentienne (1617-2017). C’est la valeur centrale de pratiquement toutes les religions. L’appel à “accueillir l’étranger” par la protection et l’hospitalité et d’honorer les étrangers ou ceux de foi différentes dans le respect et l’égalité, est profondément ancré dans toutes les principales religions. La Famille Vincentienne repose sur ce socle commun.

En décembre 2012, le Haut-Commissaire des Nations-Unies pour les réfugiés António Guterres a organisé un dialogue entre des responsables religieux, des associations humanitaires fondées sur la foi, des représentants universitaires et de gouvernements de nombreux pays avec pour thème « Foi et protection ». Nous transcrivons ici le texte final :

  1. Contexte général

En décembre 2012, António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a organisé un Dialogue avec des chefs religieux, des organisations humanitaires confessionnelles, des représentants de gouvernements du monde entier et des chercheurs sur le thème « Foi et Protection ». Comme le Haut Commissaire l’a noté dans ses remarques liminaires, « … tous les systèmes de valeurs des principales religions embrassent l’humanité, le soin et le respect de l’autre, ainsi que la tradition d’octroyer une protection aux personnes en danger. Les principes du droit moderne des réfugiés s’enracinent profondément dans ces Ecritures et Traditions anciennes. » Lors de la clôture de cet événement marquant, le Haut Commissaire a souscrit à une recommandation relative à l’élaboration d’un code de conduite à l’intention des chefs religieux visant à accueillir les migrants, les réfugiés et d’autres personnes déplacées de force et à lutter contre la xénophobie.

En réponse à cet appel, de février à avril 2013, une coalition de grandes organisations humanitaires confessionnelles et d’établissements universitaires (y compris HIAS, Islamic Relief Worldwide, Jesuit Refugee Service, Fédération Luthérienne Mondiale, Oxford Centre for Hindu Studies, Religions for Peace, University of Vienna Faculty of Roman Catholic Theology, le Conseil Oecuménique des Eglises, World Evangelical Alliance et World Vision International) ont rédigé « Accueillir l’étranger : affirmations des chefs religieux. » Ces affirmations, traduites en arabe, chinois, espagnol, français, hébreu et russe, appellent les chefs de toutes les confessions à « accueillir l’étranger » dans la dignité, le respect et l’appui bienveillant. Des groupes confessionnels dans le monde entier utiliseront également ces affirmations et leurs ressources d’appui comme des instruments pratiques visant à mobiliser un soutien pour les réfugiés et les autres personnes déplacées dans leurs communautés.

  1. Principes fondateurs

L’appel visant à « accueillir l’étranger », par le biais de la protection et de l’hospitalité, et à honorer l’étranger ou les fidèles d’autres confessions avec respect et sur un pied d’égalité, est profondément enraciné dans toutes les grandes religions.

Dans les Upanishads, le mantra atithi devo bhava ou « l’hôte est semblable à Dieu » exprime l’importance fondamentale de l’hospitalité dans la culture hindoue. Au centre du dharma ou de la Loi hindoue, se trouvent les valeurs de karuna ou de compassion, ahimsa ou non-violence à l’égard de tous et de seva ou volonté de servir l’étranger et l’hôte inconnu. Fournir nourriture et abri à l’étranger dans le besoin est traditionnellement du devoir du chef de famille et bon nombre s’y conforment encore. Plus généralement, le concept du dharma consacre l’injonction à faire son devoir, y compris à l’égard de la communauté, ce qui doit se faire dans le respect des valeurs telles que la non-violence et l’abnégation au service du bien.

Le Tripitaka souligne l’importance de cultiver quatre états d’âme : metta (l’amour bienveillant), muditha (la joie sympathique), upekkha (l’équanimité), et karuna (la compassion). Les traditions du bouddhisme sont multiples et variées mais le concept de karuna en est la pierre angulaire. Il recouvre les qualités de tolérance, de non-discrimination, d’inclusion et d’empathie pour la souffrance des autres, reflétant le rôle central que joue la compassion dans d’autres religions.

La Torah contient 36 occurrences de l’honneur dû à l’étranger. Le Lévitique contient l’un des fondements les plus remarquables de la foi juive : « L’étranger qui séjourne parmi vous, vous sera comme celui qui est né parmi vous, et tu l’aimeras comme toi-même ; car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte ». (Lévitique 99, 33-34). Par ailleurs, la Torah déclare « tu n’opprimeras point l’étranger ; vous savez vous-mêmes ce qu’éprouve l’étranger, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte. » (Exode 23, 9)

Dans l’Evangile de Matthieu (32, 32), nous entendons l’appel : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais étranger et vous m’avez accueilli… ». Et dans la Lettre aux Hébreux (13, 1-2), nous lisons « Persévérez dans l’amour fraternel. N’oubliez pas l’hospitalité ; quelques-uns en la pratiquant ont, à leur insu, logé des anges. »

Lorsque le Prophète Mohammed a fui la persécution de la Mecque, il a cherché́ refuge à Medina, où il a été accueilli avec hospitalité. L’hijrah du Prophète, ou la migration, symbolise le déplacement depuis les terres d’oppression et le traitement hospitalier qui lui a été réservé incarne le modèle islamique de la protection des réfugiés. Le Saint Coran appelle à la protection du demandeur d’asile, ou al-mustamin, qu’il soit musulman ou non-musulman, dont la sécurité́ est irrévocablement garantie par l’institution d’Aman (la fourniture de sécurité et de protection). Comme mentionné dans la Sourate Al Anfal : « […] ceux qui […] ont donné́ refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse. » (8, 74)

Le monde compte aujourd’hui des dizaines de millions de réfugiés et de déplacés internes. Nos croyances exigent que nous nous rappelions que nous sommes tous des migrants sur cette Terre, cheminant ensemble dans l’espoir.

(LES AFFIRMATIONS)

« L’une des valeurs fondamentales de ma foi est d’accueillir l’étranger, le réfugié, le déplacé interne, l’autre. Je le/la traiterai comme j’aimerais qu’on me traite. Je demanderai aux autres, même aux dirigeants de ma communauté́ religieuse, de faire de même.

De concert avec les chefs religieux, les organisations confessionnelles, et les communautés religieuses du monde entier, j’affirme :

  • J’accueillerai l’étranger.
  • Ma foi m’enseigne que la compassion, la miséricorde, l’amour et l’hospitalité visent chacun : le compatriote ainsi que l’étranger, le membre de ma communauté ainsi que le nouveau venu.
  • Je me souviendrai et je rappellerai aux membres de ma communauté que nous sommes tous considérés comme « étrangers » quelque part, et que nous devrions traiter l’étranger dans notre communauté comme nous souhaiterions être traités nous-mêmes et lutter contre l’intolérance.
  • Je me souviendrai et je rappellerai aux membres de ma communauté que personne ne quitte sa patrie sans raison : certains fuient la persécution, la violence ou l’exploitation ; d’autres les catastrophes naturelles ; d’autres encore souhaitent offrir, par amour, une vie meilleure à leur famille.
  • Je reconnais que toute personne, en tant qu’être humain, a le droit à la dignité et au respect. Tous ceux qui se trouvent dans mon pays, y compris l’étranger, sont soumis à ses lois, et personne ne devrait faire l’objet d’hostilité ou de discrimination.
  • Je reconnais que l’accueil de l’étranger nécessite parfois du courage mais que les joies et les espoirs qui lui sont associés en surpassent les risques et les défis. Je soutiendrai ceux qui font preuve de courage en accueillant l’étranger.
  • Je ferai preuve d’hospitalité envers l’étranger car ceci confère une bénédiction à ma communauté, à ma famille, à l’étranger et à moi-même.
  • Je respecterai et j’honorerai le fait qu’un étranger puisse être d’une autre confession ou avoir des croyances différentes des miennes ou de celles des membres de ma communauté.
  • Je respecterai le droit de l’étranger de pratiquer librement sa propre religion. Je m’efforcerai d’aménager un lieu où il/elle pourra librement pratiquer son culte.
  • Je parlerai de ma foi sans mépriser ou ridiculiser celle des autres.
  • Je construirai des ponts entre l’étranger et moi-même. Par mon exemple, j’encouragerai les autres à faire de même.
  • Je ferai un effort non seulement pour accueillir l’étranger mais également pour l’écouter avec attention et pour promouvoir la compréhension et l’accueil dans ma communauté.
  • Je défendrai la justice sociale pour l’étranger, tout comme je le fais pour d’autres membres de ma communauté.
  • Lorsque je serai témoin d’hostilité à l’égard de l’étranger dans ma communauté, que ce soit par des paroles ou par des actes, je ne l’ignorerai pas mais je tenterai plutôt d’établir un dialogue et de faciliter la paix.
  • Je ne me tairai pas lorsque je verrai d’autres personnes, y compris les chefs de ma communauté religieuse, parler mal des étrangers, les juger sans chercher à les connaître, ou lorsque je les verrai exclus, lésés ou opprimés.
  • J’encouragerai ma communauté religieuse à œuvrer avec d’autres communautés et organisations confessionnelles pour trouver de meilleurs moyens de porter secours à l’étranger.
  • J’accueillerai l’étranger.
Bernard Massarini CM🔸

L’une des valeurs fondamentales de ma foi est d’accueillir l’étranger, le réfugié, le déplacé interne, l’autre. Je le/la traiterai comme j’aimerais qu’on me traite. Je demanderai aux autres, même aux dirigeants de ma communauté́ religieuse, de faire de même.

António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
VISITER LE SITE :
http://www.unhcr.org/fr/protection/hcdialogue%20/53884c946/accueillir-letranger-affirmations-chefs-religieux.html

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