Voici ma deuxième petite réflexion sur la base des vertus vincentiennes, aujourd’hui l’Humilité. D’après le dico, l’humilité est le sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer tout mouvement d’orgueil.

L’Humilité, Petite réflexion d’un confiné (2/6)

Voici ma deuxième petite réflexion sur la base des vertus vincentiennes, aujourd’hui l’Humilité. D’après le dico, l’humilité est le sentiment de sa propre insuffisance qui pousse à réprimer tout mouvement d’orgueil.

Voici ce que saint Vincent de Paul en disait aux missionnaires en août 1659 (SV XII, 304-305). Ecoutons-le, cela peut nous paraître rude, et pourtant fort d’actualité :

« …  La seconde maxime est l’humilité ; car, pour être agréable à Dieu, il ne suffit pas d’être simple, mais il faut encore être humble. »

« L’humilité donc, qui consiste à s’anéantir devant Dieu et à se détruire soi-même pour placer Dieu dans son cœur, à ne pas chercher l’estime et la bonne opinion des hommes, et à combattre sans cesse tous les mouvements de la vanité. »

« L’ambition fait qu’une personne s’établit, cherche la bonne renommée, que l’on dise : « La voilà ! »

« L’humilité fait qu’elle s’anéantit, afin qu’il n’y ait que Dieu seul qui paraisse, à qui la gloire soit rendue. L’humilité dit l’affection d’être méprisé, qu’on ne fasse pas d’état de nous et qu’un chacun nous tienne pour des misérables ; elle dit toujours : « L’honneur et la gloire à Dieu seul, qui est l’Être des êtres ! » Elle imprime ces sentiments dans les esprits : « Je renonce à l’honneur, je renonce à la gloire, je renonce enfin à tout ce qui peut me donner quelque vanité; car, hélas ! Je ne suis que poudre et corruption; il n’y a que vous seul, mon Dieu, qui devez régner ; et s’il était en moi d’avoir quelque chose qui ne fût pas en vous, ô mon Dieu, je m’en dépouillerais volontiers pour vous le donner et m’anéantir dans mon centre ».  Ce sont là les diverses affections que produit l’humble et que les missionnaires devraient avoir. »

Les mots peuvent surprendre aujourd’hui, n’oublions pas qu’ils datent du XVIIe siècle. Pourtant, ils ont encore toute leur cohérence pour notre temps. Pour saint Vincent, il ne s’agit pas de destruction physique ou psychologique !  Il s’agit de détruire l’amour-propre, “le vieil homme”, comme dit saint Paul, et reconnaître que nous ne sommes que des créatures, qui tenons de Dieu notre existence. Force est de constater malheureusement que notre soif de profiter, profiter toujours plus, nous fait vouloir “être comme des dieux” (Genèse 3, 5).

Nous sommes ici loin de la simple ascétique, du simple effort de vertu, nous sommes en théologie. L’humilité selon saint Vincent devient vertu théologale et adoration, dans la ligne de la foi, de l’espérance et de la charité : reconnaître notre condition de créature, et reconnaître que Dieu seul est “Celui qui Est“, comme Moïse au Buisson Ardent (Ex 3, 14).

« L’honneur et la gloire à Dieu seul » ! Cela, nous l’avons bel et bien mis de côté, tout bon catho que nous disons être parfois.

Il m’arrive souvent avec les jeunes que je rencontre, de leur poser cette question : « Quel est le but ultime de tout être humain en ce monde ? ». La réponse est : profiter de la vie. Et cela se comprend. Nous sommes les seuls êtres vivants à la surface de cette planète à être pleinement conscient de notre finitude, nous savons pertinemment qu’un jour nous allons mourir. Aussi, notre seul désir est d’en profiter avant de « partir ». Bien sûr, chacun aura ensuite le choix des moyens pour en profiter. Pour certains ce sera réussir professionnellement, pour d’autres avoir une famille, voyager, être un artiste, vivre d’amour, … que sais-je encore. Au fil des siècles et des millénaires, nous avons mis notre intelligence au service de ce « profiter« . Et c’est super ! Nous avons développé notre créativité, notre inventivité, notre imagination, notre curiosité, … pour aller toujours plus loin … Nous avons repoussé à chaque fois les frontières que nous pensions être des limites … point de limites …

Malheureusement, c’est peut-être là notre limite … et notre péché !

Comme me le faisait remarquer un ami suite à ma première publication sur la Simplicité, nous sommes des êtres dotés d’un libre-arbitre, nous sommes des êtres devant avancer dans la vie en faisant des choix. Or, en ce qui concerne « profiter de la vie », il n’y a que deux choix possibles : soit je choisi de profiter de la vie en ne pensant qu’à moi, qu’à ma gueule, … soit je choisi de me dire que je ne suis pas seul, qu’il y a du monde autour de moi, et que mes choix dépendent d’eux. Soyons honnêtes, il nous est plus facile d’opter pour la première solution : tout pour ma gueule ! Et c’est ce drame qui nous est conté dès les premières pages de la Bible, dans le livre de la Genèse, notre drame, celui de l’humanité. Notre orgueil !

Par orgueil, et pour toujours plus en profiter, une poignée d’humain, dont nous européens faisons partie, n’hésite pas à écraser le reste du monde, piller les ressources, sous couvert de bonne conscience…  (je roule électrique par exemple).

Par orgueil, nous imposons nos certitudes au reste du monde, quitte à le faire couler, et à nous priver de tant de richesses extérieures.

Par orgueil, dans le seul but de profiter, nous exterminons sans vergogne ce que Mère Nature a mis des millénaires à enfanter …

Par orgueil, … la liste est longue et ma colère est grande.

Ce virus aujourd’hui semble rebattre les cartes.

Nos certitudes vacillent et la peur s’installe. Nos limites deviennent criantes, nos disfonctionnement effarants. Nos acquis s’effondrent, … et la planète respire !

Et c’est là que l’Humilité renait. Bafoué dans notre amour-propre de toute puissance, nous reprenons conscience de notre état de créature au milieu d’autres créatures. Nous reprenons conscience de notre état de créature au milieu de la nature.

Saurons-nous entendre, noyé dans le décompte des morts, le récit de tant de merveilles dont l’humain se rend capable aujourd’hui ? Initiatives simples et humbles nous rappelant qu’au cœur de chaque Être Humain brille l’Image de Dieu.

Quand je lis sur les réseaux sociaux ce désir à un « retour à la vie normale d’avant« , je ne peux m’empêcher de crier NON !!!

Que ce temps de trouble planétaire nous incite à un peu plus d’Humilité, pour que nous puissions reconstruire un vivre-ensemble en véritable enfant de Dieu.

 

Tourrettes-sur-Loup, le 4 avril 2020