Les lectures bibliques de cette fête qui ouvre le Triduum pascal nous invitent toutes les trois à l’action. En nous rappelant le sacrifice de l’Agneau pascal suivi d’un repas de communion entre les fidèles d’Israël, le Livre de l’Exode inscrit dans notre mémoire la figure de l’Agneau à laquelle Israël s’est identifié.

Homélie Jeudi Saint. (Année A) 9 avril 2020 – Chapelle saint Vincent de Paul – Paris

Les lectures bibliques de cette fête qui ouvre le Triduum pascal nous invitent toutes les trois à l’action. En nous rappelant le sacrifice de l’Agneau pascal suivi d’un repas de communion entre les fidèles d’Israël, le Livre de l’Exode inscrit dans notre mémoire la figure de l’Agneau à laquelle Israël s’est identifié. Figure d’innocence, figure de perfection, figure de choix qui nous oriente vers l’Agneau de Dieu pleinement révélé en Jésus. L’ordre adressé à Israël, c’est que cet agneau partagé, sacrifié, mangé, soit au cœur de la vie religieuse de ce peuple : « Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est une loi perpétuelle, d’âge en âge, vous le fêterez » (Exode 12, 14).

Le texte de l’Évangile nous relate cet événement historique qui devient une réalité qui s’actualise sans cesse au cours de l’histoire. Au soir d’une vie humaine, Jésus et les apôtres sont réunis à l’heure de la dernière Cène dans la chambre haute pour célébrer la Pâque juive, ce mémorial de la sortie d’Égypte. Et voici Jésus, au cours de cette soirée festive, poser deux gestes que nous posons ce soir – la célébration de la Cène du Seigneur et celui du Lavement des pieds. Ces gestes qui sont qualifiés comme sacrements sans pour autant faire du Lavement des pieds un des sept sacrements. L’insistance doit être faite sur le symbolisme lié aux sacrements et surtout sur la signification de ce symbolisme qui nous renvoie toujours à leur origine. Par ces gestes, Jésus désire communiquer à ses disciples une grâce invisible et une manière de vivre la foi.

Considérons ces deux gestes :

Premièrement, la Cène ou l’Eucharistie : La table a une place éminente dans la Cène. La table, c’est l’espace de la rencontre. C’est le lieu du partage. Le lien du brassage. La table est aussi un lieu de passage. Bien souvent, son rite est précédé par une annonce : « on passe à table. » C’est donc un passage comme Pâque qui veut dire passage. Et l’Évangile de ce jour commence avec ces mots : avant la fête de la pâque. Alors qu’ils étaient à table, réunis pour manger et boire la coupe de bénédiction. Mais la table n’est pas simplement le lieu où chacun et chacune peut dévorer son repas pour retourner à ses occupations. Elle est un appel à vivre la communauté familiale, ecclésiale ou amicale. C’est pour cela que dans les consignes données à Moïse pour le peuple d’Israël, Dieu dit : Que l’agneau soit mangé par la famille, la maisonnée ou avec les gens du voisinage. C’est ainsi que le repas devient signe pour la communauté et chemin de Communion.

Jésus veut donc que cette communion prenne chair dans la communauté des disciples. Il se donne lui-même comme centre de cette communion fraternelle. Il devient le repas au cœur de cette communion. Ce repas où le Pain et le Vin sont partagés anticipe l’offrande de lui-même sur la Croix, le jour qui suit. Entouré de ses disciples, Jésus vit avec eux ce qui est la preuve ultime de l’amour : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Que le Repas de la Cène soit devenu le sacrement par excellence est normal. C’est de là que tout origine et c’est là que l’incarnation se renouvelle et que la passion et la mort de Jésus s’actualisent chaque jour. Et ici le rôle du prêtre prend son sens. C’est de cette institution de l’Eucharistie que naisse le sacrement de l’Ordre : « faite ceci en mémoire de moi ». L’action de faire est un ministère. C’est par le ministère des prêtres, au nom de toute l’Église par une invocation que le Christ lui-même vienne prendre la forme du pain et du vin, et se donne lui-même comme nourriture pour la vie à celui ou celle qui participe à cette communion des croyants.

Deuxième geste – Le Lavement des pieds : Le signe du Lavement des pieds que nous pourrions appeler lui aussi un sacrement dans le sens général du terme sans en faire un huitième sacrement nous fait entrer dans le sens de la mort du Seigneur. Entrer dans le geste du Lavement des pieds est un risque que Pierre à première vue ne veut pas prendre. « Tu ne me laveras pas les pieds. » Pierre ne comprend pas et refuse pensant que Jésus ne peut pas s’abaisser à un tel acte. Il n’est pas pensable pour Pierre de voir Jésus, le maître, à ses pieds. Pierre ne se laissera faire que lorsque la Parole de Jésus lui ouvre le cœur : « si je ne te lave pas les pieds tu n’auras pas part avec moi ». Il est évident que Jean, l’auteur de l’évangile, n’est pas dans une affaire de propreté rituelle ! Nous sommes pleinement dans la signification de ce geste : l’abaissement de Jésus qui se fait serviteur jusqu’au bout. Elles se cache sous cette ablution quelque chose de nécessaire au salut, puisque sans elle Pierre lui-même n’aurait pas part dans l’assemblé des apôtres et au royaume de Dieu.

Le signe du Lavement des pieds, par le geste où le Maître s’agenouille devant ses disciples nous invite à une attitude sans laquelle personne ne peut se dire disciple. Le disciple n’a pas le choix – « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». En posant ce geste réservé aux esclaves et aux serviteurs, Jésus instaure un ordre nouveau – le sacrement de service. L’autorité par le service. La hiérarchie par l’humilité. En refaisant le geste du Lavement des pieds, nous entrons dans la même dynamique. Nous avançons sur le chemin du service à l’exemple de Celui qui s’est fait le Serviteur de tous.

Alors, notre célébration eucharistique aujourd’hui et le lavement des pieds doivent réaliser ce qu’ils signifient et doivent produire leur grâce invisible. Demandons au Seigneur au cours de notre célébration la grâce d’oser prendre le risque de marcher sur les traces de Jésus dans un monde où son message et sa personne continuent de poser question, mais où les signes de l’Eucharistie et du Lavement des pieds sont de plus en plus nécessaires.

Textes : Ex 12, 1-8. 11-14 ; 1 Cor 11, 23-26 ; Jn 13, 1-15

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