Si le changement que COVID-19 nous a apporté est réduit à la "grande nouveauté" du travail virtuel, alors nous aurons échoué à traverser ce désert, parce qu’il n’y aura pas de terre promise, mais seulement un événement de plus dans la même culture d’aventures et de divertissement, friands de nouvelles expériences, mais sans possibilité de conversion.

C’est le moment d’établir une culture « vocationnelle » vincentienne !

Si le changement que COVID-19 nous a apporté est réduit à la « grande nouveauté » du travail virtuel, alors nous aurons échoué à traverser ce désert, parce qu’il n’y aura pas de terre promise, mais seulement un événement de plus dans la même culture d’aventures et de divertissement, friands de nouvelles expériences, mais sans possibilité de conversion.

Le ministère vocationnel est un bon thermomètre pour mesurer la créativité mystique-missionnaire qui nous permet d’adopter une culture de renouveau continu selon les Constitutions, et ce serait très opportun de se les remémorer pendant la pandémie actuelle :

« 2. En fidélité à cette fin et centrée sur l’Évangile, toujours attentive aux signes des temps et aux appels plus pressants de l’Église, la Congrégation de la Mission aura soin d’ouvrir des voies nouvelles, d’employer des moyens adaptés aux circonstances de temps et de lieux, et de procéder à l’évaluation et à la coordination de ses activités et de ses ministères ; ainsi se maintiendra-t-elle en état de perpétuel renouveau. »

Fidèle à son fondateur, la Congrégation de la Mission trouve son inspiration vitale en Jésus-Christ, l’évangélisation des pauvres, qui ne s’est pas limitée à un changement de méthodes concernant les pratiques religieuses de son temps mais a créé de profondes options mystiques en même temps qu’il a créé des options pour la participation des femmes au ministère. Cette réalisation créative a surpris saint Vincent qui l’a exprimé dans le dicton populaire : « l’amour est inventif à l’infini… » Dont l’origine est, à juste titre, l’activité mystique-missionnaire de Jésus en ce qui concerne sa véritable présence dans le pain eucharistique :

« De plus, comme l’amour est inventif jusqu’à l’infini, après s’être attaché au poteau infâme de la croix pour gagner les âmes et les cœurs de ceux dont il veut être aimé et pour ne parler d’autres stratagèmes et innombrables tout ensemble dont il s’est servi à cet effet pendant son séjour parmi nous, prévoyant que son absence pouvait occasionner quelque oubli ou refroidissement dans nos cœurs, il a voulu obvier à cet inconvénient en instituant le très auguste sacrement, où il se trouve réellement et substantiellement comme il est là-haut au ciel. » ; (Exhortation à un frère mourant, 1645, n° 102 ; SV XI, 146).

Imitant l’inventivité de Jésus, nous avons le besoin de créer de nouvelles propositions et même de nous réinventer dans le domaine de la promotion vocationnelle. Nous ne sommes pas, cependant, les enfants d’une tradition narcissique qui nous permet de nous contenter de quelques changements pour présenter une image jeune de notre Petite Compagnie. Cela signifie que nous tomberions dans le vice que le pape François dénonce comme une sclérose ecclésiale (cf. Christus Vivit, n° 35). Une telle sclérose se produit quand nous sommes satisfaits parce que maintenant nous pouvons nous rencontrer ensemble à travers une application vidéo pendant que notre vie, notre service missionnaire et notre être même restent inchangés.

La créativité que la mystique missionnaire (une chose qui est caractéristique du charisme de saint Vincent) exige de nous est celle qui nous permet d’apprendre de toutes les expériences de notre vie… Et de le faire non pas comme s’habiller en accord avec une occasion particulière, mais plutôt comme s’engager dans ce processus avec un cœur jeune parce que « c’est la caractéristique du cœur jeune d’être disponible au changement, d’être capable de se relever et de se laisser instruire par la vie. », (Christus Vivit, n° 12).

Par conséquent, du point de vue de la culture vocationnelle vincentienne, la question essentielle est la suivante : pendant et après la pandémie, comment exprimons-nous cette mystique missionnaire, comment nous renouvelons continuellement nous-mêmes et éveillons aussi chez d’autres personnes le désir de suivre Jésus-Christ, évangélisateur des pauvres.

Le temps dans lequel nous vivons peut devenir un allié de la promotion vocationnelle si nous sommes en mesure de nous engager dans des chemins qui génèrent des convictions, des sensibilités et des styles de vie qui sont en accord avec notre charisme fondamental et qui sont incarnés dans la réalité actuelle. À partir d’une liste presque infinie, je vous donne les exemples suivants :

  1. Il est temps de repenser notre service missionnaire : Avons-nous un impact sur les structures qui génèrent de la pauvreté au XXIe siècle ? Continuons-nous à être de vrais formateurs ? Nos œuvres reflètent-elles le charisme fondateur avec toute la puissance mystique qui caractérise ce charisme ? Si ce n’est pas le cas, il se pourrait que nous attendions que « tout revienne à la normale » parce qu’à l’heure actuelle, nous n’avons rien d’autre que notre énergie habituelle, c’est-à-dire que nous n’avons pas l’énergie de nous rajeunir… Et pourtant, en cette période de pandémie, nous avons l’occasion de « revoir les travaux des provinces et de le faire selon le paradigme que nous offre une culture de vocations », (cf. le document final : https://cmglobal.org/fr/files/2018/12/Document-Final-FRA-1.pdf , la première réunion des promoteurs professionnels est accessible à l’adresse suivante : https://cmglobal.org/fr/2018/12/10/en-chemin-vers-une-culture-vocationnelle-en-la-congregation-de-la-mission-document-final/?noredirect=fr_FR).

 

  1. C’est le moment de passer d’un ministère des structures (qui tend presque toujours à devenir plus complexe) à un ministère qui nous implique dans la marche avec Jésus en imitation des disciples sur la route d’Emmaüs : en face à face, de personne à personne. La pandémie nous a obligés à éliminer les activités qui nécessitent de fortes concentrations de personnes dans n’importe quel endroit précis. Parfois, il peut sembler que seules les nouvelles choses que nous avons faites ont été de changer de canal de distribution : les gens ne viennent plus à la messe mais nous la transmettons maintenant sur les différents réseaux sociaux. Quelle créativité ! Sans perdre le mérite d’entrer dans le monde numérique, nous avons aussi le besoin de devenir plus sensibles à la nécessité d’un accompagnement spirituel, c’est-à-dire un processus bien défini dans lequel nous consacrons du temps et offrons des possibilités de croissance dans la vie chrétienne qui, à son tour, offre aux baptisés des possibilités de croissance dans leur vocation. Le Synode sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel a souligné l’urgence de ce ministère : « De bien des façons, les jeunes nous ont demandé de mettre en relief la figure des accompagnateurs. Le service de l’accompagnement est une mission authentique, qui sollicite la disponibilité apostolique de celui qui l’accomplit. », (cf. Document final du Synode, n° 101). http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20181027_doc-final-instrumentum-xvassemblea-giovani_fr.html

 

  1. C’est le moment de sortir du confort de la sacristie et de s’engager dans la promotion vocationnelle dans le nouvel aréopage. En utilisant les plateformes de réseaux sociaux et par le contact direct avec les gens, nous avons l’occasion de prendre conscience d’un environnement qui n’est pas dans les cercles normaux de notre mouvement. Il est temps de se laisser « indigner » par les préoccupations de l’humanité, de regarder prophétiquement au-delà des intérêts superficiels qui apparaissent dans le monde numérique, d’agir en accord avec le style missionnaire de saint Vincent, un style qui a « la capacité de trouver des chemins là où d’autres ne voient que des murailles, c’est l’habileté à reconnaître des possibilités là où d’autres ne voient que des dangers » (Christus Vivit, n° 67).

 

  1. C’est le moment de revitaliser notre vie communautaire. Cette période de confinement nous a forcés à passer du temps ensemble. Mais cela ne signifie pas que nous acceptons simplement cette vie communautaire plus intense dans l’espoir de revenir bientôt aux activités d’hier. C’est, en fait, l’occasion de profiter des relations fraternelles, de partager la joie de l’autre, de découvrir la valeur de la vocation des confrères avec lesquels nous partageons notre vie. Bien que COVID-19 nous ait fait prendre conscience de la nécessité de la « distanciation sociale », nous avons néanmoins la possibilité de créer des « voisinage » avec le frère avec lequel nous partageons une mission commune. C’est peut-être l’occasion de chanter un magnifique hymne de la vocation vincentienne : « O bonté divine, unissez ainsi tous les cœurs de la petite compagnie de la Mission, et puis commandez ce qu’il vous plaira ; la peine leur sera douce et tout emploi facile, le fort soulagera le faible et le faible chérira le fort et lui obtiendra de Dieu accroissement de force ; et ainsi, Seigneur, votre œuvre se fera à votre gré et à l’édification de votre Église, et vos ouvriers se multiplieront, attirés par l’odeur d’une telle charité. »; (Lettre à Étienne Blatiron, Supérieur à Gênes ; SV III, 257).

 

  1. C’est l’heure de la formation. En raison de l’activité apparemment sans fin de la vie missionnaire, la formation prend le rôle de Cendrillon parce qu’on a l’impression qu’il y a toujours des choses de bien plus grande importance que la formation continue. En fait, on peut penser que le succès de la mission dépend de notre activité constante (une tentation démoniaque). Il est temps de se réveiller du rêve de l’activisme et de réaliser que la qualité de notre service missionnaire dépend de la qualité de notre vie mystique, de notre passion pour Jésus Christ, évangélisateur des pauvres, et de notre capacité à marcher ensemble dans la communauté. La pandémie nous donne l’occasion d’apprendre à « comment apprendre » et de prendre au sérieux l’appel à la conversion missionnaire qui nous oblige à nous former nous-mêmes. Pas seulement de nous mettre à jour dans les questions théologiques et/ou pastorales mais de vivre de manière profonde la joie de l’Évangile qui est incarnée dans notre vocation missionnaire. Il ne fait aucun doute que ce serait le meilleur investissement en matière de promotion vocationnelle, puisque les missionnaires passionnés et bien formés sont par nature des « nids pour les vocations ».

 

Traduit de l’anglais par P. Jérôme Delsinne, CM