La pratique actuelle veut qu’on l’on passe par les réseaux sociaux : Internet, Facebook, Instagram, Tik-Tok, Twitter, WeChat… De plus, si l’information peut être déformée, l’exagérée pour la rendre plus tapageuse plus tapageuse allez-y…

Homélie du 23° Dimanche du temps Ordinaire. (6 septembre 2020) « Si ton frère a commis un péché contre toi… ? »

Chers frères, chères sœurs, Si ton frère a commis un péché… que faire ?

La pratique actuelle veut qu’on l’on passe par les réseaux sociaux : Internet, Facebook, Instagram, Tik-Tok, Twitter, WeChat… De plus, si l’information peut être déformée, l’exagérée pour la rendre plus tapageuse plus tapageuse allez-y… Voilà la pratique assez généralisée dans la société actuelle. En fait, si ton frère a commis un péché que ce soit contre toi ou contre quiconque, dénonce-le, ébruite-le sans penser conséquences psychologiques ou familiales. Ne te pose surtout pas la question de savoir si cela détruit l’autre. Le fameux droit à l’information va jusque-là !

La réponse de Jésus est bien différente et vous l’avez entendue dans la page de l’évangile que nous venons de proclamer. Elle est humaine et humanisante. Elle est de plus, graduelle, progressive. Jésus évoque une procédure qui reprend une pratique ancienne du livre du Deutéronome 19,15 : d’abord, parler seul à seul avec la personne qui commet un péché contre toi. Si tu ne réussis pas, si la personne n’écoute pas appelle alors deux témoins et parle avec l’intéressé. S’il refuse encore d’écouter dis-le à la communauté, à l’Eglise. Et si la personne refuse d’écouter l’Eglise qu’elle soit considérée comme un « païen ou un publicain ». Cette dernière formule est bien étrange puisque nous savons bien que Jésus aime les païens et les publicains.

Quelle est l’intention, quelle est l’intentionnalité derrière cette procédure mise en avant dans la communauté de l’évangéliste Matthieu ? Certainement pas celle de détruire l’autre, ni le de dénigrer ou l’humilier.  Non plus celle de se poser en juge ou en supériorité par rapport à l’autre. Gagner son frère, ne pas le perdre, ne pas l’exclure… faire tout son possible pour que le membre de la communauté en question cesse d’être une cause de scandale ou de chute pour celle-ci, voilà intentionnalité proposée par Jésus. C’est l’intentionnalité qui définit le caractère éthique ou moral de nos actes.

Dans la vie consacrée, chez les religieuses et les religieux, un joli nom a été donné à cette pratique connue des premières communautés chrétiennes notamment celle de Matthieu et celle de saint Paul (2 Co 13,1) entre autres. Ce joli nom dont on parle est la correction fraternelle. Or, celle-ci est possible si d’abord il y a un esprit commun, une vie d’église réelle et surtout si l’on veut se mettre volontairement à l’école de Jésus. Malheureusement nos communautés chrétiennes dominicales ne sont pas vraiment des communautés, ni de d’églises domestiques. On  ne se connaît même pas ! Peut-être même que l’on ne veut pas se connaître ! On consomme l’eucharistie mais on a du mal à faire eucharistie et communauté ! Nos communautés religieuses ont aussi du mal à être de véritables communautés où la Parole et la présence du Christ président à nos vies. Voilà pourquoi cette correction fraternelle est devenue difficile. Peut-être aussi  par manque d’humilité et de simplicité de nos vies. L’individualisme ambiant exige que personne n’interfère ma vie, ni mes intérêts. Et il y a encore la dureté, voire la brutalité avec laquelle dans le passé on a voulu pratiquer la correction fraternelle.

Alors, frères et sœurs, faut-il renoncer à cette pratique proposée par l’évangile aux communautés chrétiennes ? Comment résoudre alors les difficultés, les petits ou grands problèmes qui surgissent ici et là dans nos communautés de vie ? Est-ce que la parole du Christ a quelque chose à nous dire encore aujourd’hui ?

Ne cédons surtout pas à la facilité de ne rien faire. Ne tombons pas dans la tentation des temps modernes en nous servant des réseaux sociaux pour détruire l’autre ou l’écraser. Ne tombons pas non plus dans la tentation de nous taire. Il me semble que l’évangile de Matthieu n’évoque pas des crimes graves que l’on cacherait par commodité comme cela s’est passé dans la société et aussi dans  l’église à propos de la pédophilie. Pour les choses graves il existe d’autres procédures. Ne sombrons pas non plus dans la tentation de devenir des juges ou des bourreaux bienveillants tels des inquisiteurs. Il s’agit uniquement de gagner nos frères et nos sœurs  pour le Christ au sein de nos communautés. A ce propos le pape François a été clair et éloquent le 12 septembre 2014 dans l’une de ses homélies quotidiennes à la Maison Sainte Marthe :

« Si tu dois corriger un petit défaut chez l’autre, pense tout d’abord que tu en as personnellement de tellement plus gros. La correction fraternelle est une action pour guérir le corps de l’Église. Il y a un trou, là, dans le tissu de l’Église, qu’il faut absolument recoudre. Et il faut le recoudre à la manière de nos mères et de nos grands-mères qui, lorsqu’elles reprisent un vêtement, le font avec beaucoup de délicatesse. Si tu n’es pas capable d’exercer la correction fraternelle avec amour, avec charité, dans la vérité et avec humilité, tu risques d’offenser, de détruire le cœur de cette personne, tu ne feras qu’ajouter un commérage qui blesse et tu deviendras un aveugle hypocrite, comme le dénonce Jésus. Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil… Hypocrite ! Reconnais que tu es plus pécheur que ton prochain, mais que toi comme frère tu dois le corriger. Nous ne pouvons corriger une personne sans amour et sans charité. On ne peut en effet réaliser une intervention chirurgicale sans anesthésie : c’est impossible, parce que sinon le patient meurt de douleur. Et la charité représente comme une anesthésie qui aide à recevoir le traitement et accepter la correction. Il faut donc prendre notre prochain à part, avec douceur, avec amour et lui parler. Il faut également parler en vérité, ne pas dire des choses qui ne sont pas vraies. Il arrive si souvent que dans notre entourage nous disions des choses à propos d’autres personnes qui ne sont pas vraies : cela s’appelle de la calomnie. Ou si elles sont vraies, on s’arroge le droit de détruire la réputation de ces personnes. Quand quelqu’un te dit la vérité, ce n’est pas facile de l’entendre, mais si cette vérité est dite avec charité et avec amour, c’est plus facile de l’accepter. Un signe qui peut-être peut nous aider, c’est le fait de ressentir « un certain plaisir » quand l’on voit quelque chose qui ne vas pas et que l’on estime qu’il nous faut exercer une correction : il faut être attentifs parce qu’alors cela ne vient pas du Seigneur. Quand cela vient du Seigneur, il y a toujours la croix, et l’amour qui nous porte, la douceur. Ne nous transformons pas en juge. Nous chrétiens nous avons cette fâcheuse tentation : nous extraire du jeu du péché et de la grâce comme si nous étions des anges… Et bien non ! C’est ce que Paul nous dit : « Il ne faut pas qu’après avoir prêché aux autres, nous soyons ensuite disqualifiés ». Et si un chrétien, dans sa communauté, ne fait pas les choses – également la correction fraternelle – dans la charité, en vérité et avec humilité, il est disqualifié ! Il est tout sauf un chrétien mature. Prions donc afin que le Seigneur nous aide à exercer ce service fraternel, si beau mais si douloureux, d’aider nos frères et nos sœurs à devenir meilleurs, et qu’il nous aide à le faire toujours avec charité, en vérité, et avec humilité ».

Ce dimanche nous sommes plus que trois réunis ici en son nom, et nous prions le Seigneur pour qu’il nous aide à devenir vraiment une communauté qui prie, aime, pardonne et transmet la paix du Seigneur.  Une église qui sait recoudre le tissu abimé de nos communautés chrétiennes.  Il est là au milieu de nous le Seigneur ressuscité.