Cette parabole n’est pas catholique pourrait-on dire ; elle est choquante ! Elle l’est surtout pour une personne qui a entendu depuis toujours : le chrétien doit partager, l’ami de Jésus doit partager. Pourquoi donc la parabole met en avant l’attitude de cinq filles dites prévoyantes refusant de partager leur huile avec celles qui en manquaient ? Et pourquoi encore cette parabole met en scène la dureté de l’époux qui refuse d’ouvrir la porte aux filles arrivant en retard : « Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas ».

Homélie du 32e dimanche du temps ordinaire. Mt 25 1-13. « Seigneur, ne me laisse pas tomber en panne sèche ! »

Chères sœurs, chers frères : Cette parabole n’est pas catholique pourrait-on dire ; elle est choquante ! Elle l’est surtout pour une personne qui a entendu depuis toujours : le chrétien doit partager, l’ami de Jésus doit partager. Pourquoi donc la parabole met en avant l’attitude de cinq filles dites prévoyantes refusant de partager leur huile avec celles qui en manquaient ? Et pourquoi encore cette parabole met en scène la dureté de l’époux qui refuse d’ouvrir la porte aux filles arrivant en retard : « Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas ».

Peut-être que la pointe de cette parabole n’est ni le partage, ni la solidarité, ni la fraternité… Cette parabole pointe plutôt vers un moment définitif que chacun d’entre nous doit passer et elle nous avertit que dans ce moment définitif personne ne peut rien faire pour nous ! Oui, à la fin de nos vies nous aurons un face à face avec le Seigneur. Dans ce face à face nous nous présenterons tels que nous sommes, avec ce que nous avons cueilli, avec surtout ce que nous avons donné… à ce moment-là personne ne pourra rien faire pour nous.

En effet, le texte de l’évangile de Matthieu que nous avons proclamé se situe vers la fin de celui-ci. Ces chapitres sont communément appelés « le Discours de la fin » ou « le discours eschatologique ». Jésus sait que l’heure est arrivée de passer de ce monde à son Père. Il doit affronter le scandale de sa passion. En maître responsable, il prépare ses disciples à tenir bon, à tenir leur place, à veiller « parce que nul ne connaît ni le jour ni l’heure ».

Les cinq filles de l’évangile appelés « prévoyantes » ont pu entrer à la fête de noces parce qu’elles étaient prêtes. L’huile étant un symbole de la persévérance, de l’attente et du désir qui ne s’épuise pas. Les autres filles, les « insouciantes » n’étaient pas prêtes et se retrouvent face à des portes closes. Leur désir s’est envolé, leur endormissement est plus profond et entre-temps la réserve d’huile s’est épuisée. Conséquence fatale : elles ne peuvent pas aller à la rencontre de l’époux qui arrive au milieu de la nuit. Rappelez-vous que dans le même évangile de Matthieu, Jésus avait dit à la foule et en particulier à ses disciples : « vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,14). Comment être lumière pour le monde si la flamme de la foi s’épuise faute de combustible.

Qu’avons-nous fait de notre foi, de notre baptême, de notre amitié avec le Seigneur ? Pour accomplir dans le monde notre mission des baptisés, il est important de se réveiller et d’éveiller en nous le désir de rester fidèles au Seigneur jusqu’au bout. « La sagesse ne se flétrit pas » avons-nous entendu dans la première lecture. Le Psaume de la messe nous faisait chanter : « Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube, mon âme a soif de toi ».

Frères et sœurs, ce langage de l’évangile est un peu déconcertant pour nous. Cependant il s’agit d’une belle métaphore nous invitant à persévérer dans la foi et dans l’amour, à tout faire pour que dans ce moment de solitude, nous puissions nous présenter humblement et confiants devant notre créateur en lui disant je n’ai peut-être pas fait grand-chose mais j’ai su garder ma lampe allumée en signe d’un amour et d’un désir qui ne se sont pas complétement éteints malgré l’obscurité, la nuit ; malgré la longue attente. Très souvent nous sommes tentés d’abandonner notre foi, de nous compromettre dans la spirale de la violence, de déserter nos convictions, de vivre comme si Dieu n’existait pas… et de rejeter l’évangile parce que trop exigent ou apparemment inopérant. Cependant, nous avons à tenir bon ! A garder nos yeux ouverts et nos lampes allumées. A être des sages avisés qui savent discerner, agir et demeurer fidèles à leur vocation de disciples et amis de Jésus.

Permettez-moi, de vous raconter une anecdote de mon enfance, certes très personnelle mais qui m’a beaucoup marqué. Vivant à la campagne en Colombie, je ne pouvais pas aller à la messe tous les dimanches. Comme vous, chers amis qui suivez la messe à la radio, nous aussi à la maison, nous écoutions religieusement la messe à la radio. Je me souviens que le prêtre disait chaque dimanche au début de chaque homélie ceci : « aujourd’hui nous sommes plus prêts de l’éternité que la semaine dernière ». J’entends encore le timbre de sa voix… Cette phrase ne m’effrayait pas, ne m’a jamais fait peur, mais elle a mis dans ma tête cette idée que plus tard j’ai transformé, voire améliorée en lisant la petite Thérèse de Lisieux : « un jour je serai interrogé sur l’amour ».

Oui, nous savons qu’un jour en pleine nuit, une voix déchirante nous réveillera pour nous présenter devant notre créateur. Je souhaite, désire, j’espère qu’à ce moment-là, notre lampe brillera toujours.

Seigneur ne nous lasse pas tomber en panne sèche ! Amen

 

Roberto Gomez cm

Le 8 novembre 2020

Rue du Bac