On entend dire partout : « on a sauvé Noël », « on a réussi à sauver Noël ». Les commerces sont accessibles, on peut acheter des cadeaux, les commerçants peuvent respirer un coup… Nous partageons tous cette joie. Cependant, comme nous ne sommes pas totalement naïfs nous savons que cette joie-là est petite, provisoire, temporelle et circonscrite !

Homélie du troisième dimanche de l’Avent 2020. Chapelle Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse – Paris

Chères sœurs, chers frères :On entend dire partout : « on a sauvé Noël », « on a réussi à sauver Noël ». Les commerces sont accessibles, on peut acheter des cadeaux, les commerçants peuvent respirer un coup… Nous partageons tous cette joie. Cependant, comme nous ne sommes pas totalement naïfs nous savons que cette joie-là est petite, provisoire, temporelle et circonscrite ! Qui pourrait véritablement prétendre sauver Noël ? C’est le mystère de Noël qui nous sauve !!! Pour nous baptisés, il s’agit plutôt de se laisser sauver par la joie et par le mystère de l’Incarnation du Christ. Le Christ est le véritable et l’unique sauveur !

« Dimanche de gaudete », dimanche de la joie ! L’église tout entière est invitée à se réjouir par la proximité de la venue du Messie sauveur. Vous l’avez constaté, la liturgie de ce jour est une invitation pressante à la joie. Le prophète Isaïe de retour avec les exilés trésaille d’allégresse dans le Seigneur et exulte de joie. La Vierge Marie est toute à la joie en reconnaissant la miséricorde inépuisable de Dieu. Saint Paul lance une invitation : « soyez toujours dans la joie, rendez grâce en toute circonstance ». La prière d’ouverture de cette eucharistie prenait Dieu à témoin : « Tu le vois Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de  ton Fils ; dirige notre joie vers la joie d’un si grand mystère… ».

Dans la Bible comme dans la vie humaine, la joie n’est pas assurée par les biens matériels. Il y a des riches tristes et des pauvres heureux ou des heureux pauvres. La joie est toujours dépouillée d’artifices. Elle ne prend pas sa source à l’extérieur du cœur de l’homme ; la joie est toujours intérieure, profonde, souvent secrète : « on peut organiser des fêtes, mais pas la joie », aimait dire le Pape Benoît XVI. Il serait ridicule de vouloir décréter la joie ou d’imposer la joie par décret.  La joie est quelque chose de spontané et d’intime. Elle vient de l’intériorité même si elle se nourri des événements extérieurs. La joie n’est pas non plus le contraire de la souffrance. On peut souffrir et être heureux ; les amoureux le savent : amour et souffrance vont de pair. Qui choisit d’aimer doit se préparer à souffrir… les parents le savent surtout ceux qui ont des enfants handicapés comprennent.

Alors frères et sœurs : qu’est-ce que la joie à laquelle nous convie ce temps de l’Avent à travers la Parole de Dieu et sa liturgie ? En fin de compte, quel est le secret de la joie chrétienne ? Dans l’évangile de Jean, Jean-Baptiste répondait à ses enquêteurs : « Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas ». Il pointait déjà le mystère de l’amour de Dieu rendu présent dans la personne du Christ-Jésus venu dans notre histoire. Jean-Baptiste avait bondi de joie dans le ventre de sa mère Elisabeth lors de la Visitation. Il avait déjà ressenti la présence du sauveur, laquelle l’a fait tressaillir de joie. Jean-Baptiste rend témoignage de la Lumière de celui qui est venu se faire connaître des hommes en leur proposant son amitié. Rencontrer Dieu en son Fils Jésus-Christ, accepter son intimité et son amitié rend simplement heureux. La fête de Noël est la fête d’une rencontre, d’un rendez-vous que nous ne pouvons pas louper. Dieu se fait tout petit pour ne pas nous effrayer, il prend taille humaine pour que nous ne nous sentions jamais écrasés par lui. Cette présence divine dans nos vies, cette amitié avec le créateur nous rend heureux, la personne qui rencontre Dieu se trouve ainsi transformée, changée, ensemencée de grandeur, de beauté et d’éternité.

L’homme qui se laissé rencontrer par Dieu est heureux ; il est saisi par la beauté des choses simples et par un sens de la vie qui se passe souvent d’explications. Permettez-moi de partager avec quelque chose qui m’a ému cette semaine : une maman a donné à son petit une pièce pour qu’il la donne à son tour à un SDF. Le petit déposa délicatement la monnaie qu’il avait reçu sur la petite assiette de l’homme assis par terre à la sortie d’une boutique chic. Le regard du petit a croisé celui du bonhomme tout en un lui offrant le plus beau sourire qu’il a complété par un signe d’amitié avec ses deux pouces… Le visage du SDF a été illuminé par le sourire et le regard du petit, lequel était déjà parti heureux, sautillant, tout fier d’avoir rendu quelqu’un heureux ne serait-ce que pour un instant. Il y a des sourires qui consolent sans offenser ! La joie est quelque chose de simple et de spontané comme ce petit gamin.

Le temps de l’Avent réveille en nous le désir de l’amitié de Dieu. Cette amitié peut transformer nos vies même si elles traversent des épreuves et rencontrent la douleur. L’Avent n’est pas un temps triste. On l’a souvent confondu à tort avec le carême qui est un temps de pénitence. Non, l’Avent n’est pas un temps de pénitence, il est un temps pour l’attente, la conversion et donc pour le repos dans la joie. Mieux encore, ce temps qui précède Noël est un temps du désir. Désir de l’amitié de Dieu, désir de profiter de sa présence. Ce désir de Dieu se creuse en profondeur et nous met dans un état de joie sereine et tranquille en nous procurant le repos. Dans la liturgie des heures (le bréviaire) il y a un hymne qui dit ceci :

« Voici le temps du long désir où l’homme apprend son indigence. Chemin creusé pour accueillir celui qui vient sauver les hommes ».

Mes amis, réveillons ce désir de Dieu, désirons son amitié et son intimité. Il vient nous sauver non pas de l’extérieur mais à partir de notre profondeur. Ce désir de Dieu doit aller en se creusant, en s’approfondissant. Plus les années passent, plus le désir de Dieu doit s’intensifier. On pourrait dire alors que le grand âge est un Avant prolongé, les longues années sont une prolongation de l’Avant. Les chrétiens ne sont pas une communauté de personnes tristes ou alors on n’a rien compris à l’Évangile. Le pape François invite à ce que l’Église soit une Maison de joie, en elle les personnes tristes trouvent une véritable source de joie et d’espérance.

« La souffrance n’est pas le contraire de la joie, mais son combustible.

La joie est plus grande que la souffrance et la souffrance est dans la joie comme dans un candélabre, un brasier :

elle y brûle, tout en y demeurant étrangement intacte.

Séparer l’une de l’autre est illusoire : elles s’épousent dans le même buisson ardent »

Cassingena-Trévedy, Etincelles II, p. 16